Ce format de cours
Éduquer un enfant dans le respect de son expression et de ses désirs profonds, demande de pouvoir doser et régler le niveau de directivité.
Comment, en effet, passer du conseil à la recommandation, de la suggestion à la consigne, de la requête à la demande expresse, exigeante?
Ma pédagogie qui enseigne à l’enfant, la capacité à choisir, à savoir, à pouvoir vouloir et à commu- niquer comme un acte de création, pouvait-elle supporter l’échange froid et directif des zooms, skype… auxquels la période de confinement nous a soumis ?
Comment un groupe d’enfants auquel on demande de couper le son du zoom parce que les bruits ambiants de tous les foyers réunis empêchent la communication, pouvait-il accéder à l’écoute au- thentique et à la maîtrise du langage musical ?
Ma pédagogie dont les fondements consistent à stimuler chez l’enfant, le désir de questionner, de proposer, de s’orienter, pouvait-elle se résoudre à donner de froides instructions pour s’adapter à la situation de travail à distance?
J’ai fini par décider que ce serait la situation qui s’adapterait à mon désir d’éducation et non le contraire, en mettant en place un dispositif dont cet ouvrage représente une partie !
Pas de brouhaha, pas de coupure de son, l’enfant, uniquement focalisé sur l’écoute, utilise les vignettes pour répondre, proposer ou fixer son attention.
Le professeur dispose alors d’un espace d’enseignement agrandi qui lui permet d’ajuster son dis- cours musical ou oral selon les « plissures des yeux » des enfants. L’écran de l’ordinateur n’est plus une restriction de la réalité, mais une amplification des détails. Le cadrage attentionnel, l’écran ou la vignette, positive alors cette situation.
Dans ce contexte, être directif consiste à proposer à l’enfant ce qu’il a vraiment envie d’entendre ou de faire, mais qu’il ne sait pas demander. Il répond par une image qui devient monnaie d’échange, ou il présente une vignette comme proposition.
L’icône, le graphe, l’image deviennent alors un moyen de communication entre parole et musique, entre verbe et son, en connexion directe avec le désir de l’enfant.
Cependant, il ne s’agit pas là, de remplacer la communication verbale mais, bien au contraire, d’enrichir la communication par un média qui n’est autre que la source de l’écriture : l’icône.
Synesthésies
Le compositeur György Ligeti a dit : « Les sons et les contextes musicaux m’apportent continuellement à l’esprit la sensation de couleur, de consistance et de forme visible ou pouvant même être goûtée. Cela explique la présence de tant de traits extramusicaux chez moi… ». On perçoit dans cette remarque, l’impact de la plasticité cérébrale sur la création. Cet exercice éducatif de synesthésie élaboré par Robert Kaddouch a donné lieu à une recherche scientifique, deux mémoires en cogmaster, une thèse à partir d’un protocole scientifique nommé HIPPOMUSE, réalisée à Villejuif, auprès des enfants malades, en collaboration avec le CNRS, l’INSERM et l’université Paris Descartes.
Robert Kaddouch et Marion Noulhiane, L’enfant, la musique et la mémoire : Apprentissage musical et développement cérébral, Paris, De Boeck, 16 février 2015
Cette attitude est à la source du processus de création.
(en) Robert Kaddouch, A Pedagogy of Creation : Teaching Students to Communicate Through Music, Lexington Books, Rowman & Littlefield, 2019